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Jour 48 • Appel urgent • Ft. Titus

Aleksei
Date d'inscription : 25/07/2016
Béni





Aleksei
Béni
Mar 26 Juil - 22:44
Appel urgent

▬ Ft. Titus

Le sud-ouest, la zone de démarcation entre le Grand Bazar et la zone Résidentielle, plus précisément le quartier des Incarnations. C'est ici qu'il se trouve, trois soirs par semaines, adossé à un des murs de pierre jaune. C'est ici qu'il attend, lorsqu'il commence à faire sombre, que les rues se vident, mais que la chaleur se dégage encore du sol. Son torse est nu, un châle recouvrant ses épaules, et la toile légère de son pantalon beige recouvre une partie de ses pieds, n'en laissant apparaître que le bout, dans des copies d'espadrilles vert délavé. Alek n'aime pas cet endroit, trop proche des incarnations. Elles sont mauvaises, pas qu'il faille s'en méfier, mais il ne veut pas les approcher, les voir, encore moins leur parler. Croiser leur regard le met mal à l'aise. Ils nous ont volés notre intégrité. C'est de leur faute si on est maudit.. Mais ça fait déjà une trentaine de jours qu'il traîne ici lorsque il a besoin d'échanger ses services contre de la nourriture, ou des objets, et il commençait vaguement à s'habituer. Au début, ce lieu était choisit pour son emplacement idéal, entre le marché où les gens traînaient le soir et les habitations où ils allaient se reposer, souvent en solitaire. Vendre son cul est très bien payé par ici, et même s'ils ne sont pas très nombreux, le jeune russe a la "chance" d'avoir un bon contact, un marchand, qui aime être dépanné en échange de quoi manger pendant trois voire quatre jours. Pas ce soir. Son regard froid et quelque peu méfiant suit donc les petites gens qui passent, se demandant qui sera celui ou celle qui l'interpellera, et négociera une nuit -ou un coup rapide dans une ruelle adjacente. Qui que ce soit, la seule chose que le jeune homme demande est la contre-partie.

Il commençait à s'impatienter, lorsqu'un bruit d'aile se fait entendre dans les murmures de la soirée. Pas besoin de lever la tête, il accueille la colombe sur son bras, reconnaissable à une fissure sur son bec. L'oiseau de l'Empereur, enfin, de ce crétin de môme qu'est l'empereur. Il n'y a que peu qu'elle se pose sur son bras sans hésiter, et Alek en est assez fier, pour dire vrai. Par acquis de conscience, il lit le mot, qui ne lui apprend rien de plus que ce que la colombe laissait deviner. Il finira dans la chambre de l'Empereur, à savoir que la majuscule est moins une marque de respect qu'une adaptation sociale, à discuter. L'écouter, opiner à ses avis, rire à ses blagues. Des conneries comme ça, pour satisfaire son petit égo d'enfant en manque d'attention. Après tout, il est payé pour ça, et plutôt bien. Mais surtout, c'est mieux que finir à poil dans un lit avec un inconnu. Enfin, les inconnus intéressés par un gigolo russe, il n'y en a pas beaucoup et le jeune homme commence à les connaitre. La colombe s'envole, retournant au palais par le chemin des airs. Celui qu'emprunte Alek est plus long, plus poussiéreux, mais assez agréable en début de nuit. Il traverse les rues, montant vers le Nord, jusqu'à la place centrale et jusqu'au Palais. Imposant, il commence à s'y habituer. Alors il passe les couloirs du Palais. Il connait le chemin par cœur. Les gardes et employés qu'il croise ne lui adressent pas un mot, et lui ne leur lance pas un regard. Se sentir observé par eux le met mal à l'aise, alors il accélère le pas, léger. Très vite il arrive devant l'imposante porte de la chambre "royale". Une inspiration, un léger sourire, et il entre sans toquer. Il avait toqué une fois, la première fois, et en croisant le regard du trop jeune Empereur avait compris qu'il ne prendrait plus la peine d'annoncer son arrivée, quoiqu'il en dise. Alors il fait glisser le châle le long de ses bras, l'attrapant quand il arrive au niveau de sa main droite pour le déposer sur le dossier d'une chaise. S'arrêtant, il se débarrasse de ses chaussures de toile sans se baisser, et va s'asseoir sur le lit, une jambe en tailleurs et l'autre pied juste à terre. Dans le geste, une mèche de cheveux un peu rebelle lui tombe sur le front.

" Bonjour, Ô grand Empereur respecté et respectable. "

Qu'il lâche d'un ton presque amusé, sinon sobre.



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Titus
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Titus
Béni
Mer 27 Juil - 1:39

Ma plume gratte le papier, implacable, pour y graver l'urgence et la solennité de mes impulsions. Puisque mes désirs sont des ordres et mes ordres une nécessite. Une colombe plus tard et le voilà partie. Je convoque avec impatience une présence et quand j'inspire et que j'expire tout ce qu'il me reste de retenu je me dis qu'il tarde trop et qu'il exagère. C'est que les secondes semblent filer si rapidement dans la nuit ! Mes yeux accrochent le ciel néant, mon regard noir proteste contre cette chose si facétieuse qui défile et s'enfile, libre d'avancer comme de reculer. L'étrange court du temps que tout le monde semble vainement subir est une offense à mon autorité qu'elle bafoue. N'avais-je donc pas écris précisément « tout de suite? », « maintenant ? ». Mon soupir s'évade dans l'air avant même que je ne puisse le retenir et le penser.

Je me lève, de nouveau, pour récupérer mes papiers et les entasser, délicat mais fébrile. Car tout ce que j'écris a de l'importance et plus tard, ce sera une œuvre qui à coup sûr influencera des générations et des générations. Elle me survivra sans doute, mais sa perfection elle, éternelle et immuable perdurera des siècles et des siècles. Et, dieu merci, aucun des présomptueux de mon siècle n'a réussi à trouver la porte de mon monde à moi.

Je dispose le tout dans ma bibliothèque et j'attrape au passage un autre tas de feuille. Mes doigts s'agrippent à la reliure de tissus et je contemple un instant, impressionné, le nombre de pages noircies d'encre. Rien d'étonnant à cela puisque mon inspiration ne semble jamais m'abandonner. Oh, ça cet ennuyeux Flaubert en aurait arraché ses moustaches d'indignation ! Et les critiques ? Ah ! Le peuple français! Ils voulaient l'amour ! Ils trouvaient mes héroïnes ennuyeuses ? Ah ! Ce que je tiens là fait la part belle aux messieurs aux mœurs exotiques, cette pédérastie qui a si longuement outré ce cher Diderot. Bien que mes précurseurs aient été très tolèrent à ce sujet.  Quel tolet mon ouvrage aurait provoqué ! Je m'esclaffe délicatement, car c'est bien là toute la saveur de l'ironie indirect de mon ouvrage qui fait suite à des amourettes trop sages. Enfin.  

Je dépose mon ouvrage sur la table et, avant que je ne termine mon geste, vous faites votre entrée. Comme à votre habitude, sans même vous annoncer. Mais cette facétie m'amuse, si bien que j'ai accepté et que je tolère cette impolitesse. Mes yeux suivent l'ombre de vos pas. Pas qui vous amènent près de ma table. Je prends des notes mentales, j'aime l'audace des autres et j'admire également chaque détails de cette mise en scène. Car j'ai découvert au fil de nos rencontres qu'il y avait une mise en scène dans vos charmes et vos prétentions. Dans vos gestes. Je doute encore qu'il s'agit là d'un stratagème qui vise à me séduire, car j'imagine sans peine que cette démonstration et ces badineries ne sont là qu'un jeu, que la représentation d'une pièce qui m'est étranger.  

Je comprends à peine le jeu auquel vous vous livrez et il faut dire que je ne suis pas très certain de vouloir m'y pencher plus que de raison. Aussi je me contente d'esquisser un sourire délicat et j'essaie de ne pas ciller. Ma rétine s'imprime sur des omoplates dévoilées et finissent seulement par se détourner quand il n'y plus rien à voir qu'un homme assis et las. Ou lascif je ne puis dire, la différence me saute si peu aux yeux. Je me contente de récupérer mon attention toute entière pour la recentrer sur ma personne. En parlant de ma personne, vous me saluez, le ton est mielleux et le propos tout aussi.

Je lève la main pour battre l'air d'un coup de revers, un sourire satisfait sur les lèvres et je déclare :

 « Bien que j'apprécie vraiment cette hypocrisie sommes toute agréable, mon ami, je vous propose de passer sur le champs à notre affaire. »

Je ponctue ma sentence d'un ton qui se veut enjoué. Je m'approchais, mes feuilles sous le bras.

 « Je repensais à notre discussion précédente. » Je finissais ma course sur un tas de coussin, non loin du lit et je m'y vautre, portant mes écrits au dessus de ma tête pour y fixer le titre.  « Malgré votre accoutrement et certaines de vos manières, je crois que vous êtes un homme cultivé. Oui je le crois sincèrement car je comprends nos échanges et vous n'usez pas à tord et à travers de cet immonde vulgarité qui affectent tant les résidents de votre ère. Étrange manière que de s'exprimer en inversant l'ordre des syllabes comme s'ils désiraient cracher des mots au lieu de le chanter, de les réciter... » Je me retourne, pour passer sur le ventre, sans plus pouvoir vous observer. Pensif et agacé quand je me rappelle de certaine sentences disgracieuses que j'ai du subir de nombreuses fois.

 « Enfin, je pourrais me lancer dans une diatribe sévère envers ce détournement honteux de la linguistique, mais ce n'est pas là l'important. Vous pourriez m'accuser de construire un discours inutile simplement pour le plaisir de m'entendre parler et c'est absolument ce que je suis en train de f-» Mais je coupe mes mots en me mordant la langue violemment. Comment espère-t-ils que je puisse discourir si toutes les formes les plus élémentaires me sont interdites ! C'est facile pourtant et je peux le formuler dans mon esprit simplement pour dire Non je ne souhaite pas m'entendre parler . Ou encore, je n'ai pas l'habitude de m'exprimer pour ne rien dire. Cela semble si facile.

Alors, je réessaie : « Non. Je veux dire bien sûr que je veux m'entendre parl- » Je soupire, agacé plus fortement et je réessaie encore « J'ai l'habitude de parler pour ne rien dire. Oh fichu monde ! Que la peste emporte ceux qui ont osé prendre mes mensonges ! » Ma tête tombe sur un coussin, las je suis si las et je geins pendant quelques minutes.


Je me reprends cependant bien vite et me redresse un peu pour continuer:  «Je disais donc que vous semblez instruits. Avez-vous déjà étudié mon siècle ? Vous a-t-on parlé de moi dans vos écoles ? Ou alors on vous obligez à lire les histoires de mes autres confrères ? Oh surtout dites-moi que ce porcelet de Flaubert est tombé en disgrâce et que les hommes lettrés de votre époque ont enfin reconnu mon génie ?» Je tournais la tête pour vous fixer, plein d'espoir.  

Ft. Alek

Jour 48
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Aleksei
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Aleksei
Béni
Mer 27 Juil - 4:21
Appel urgent

▬ Ft. Titus

Ses premiers mots font sourire l'ancien russe. L'Empereur avait beau n'être qu'un môme présomptueux, il n'en demeurait pas moins quelqu'un d'instruit et d'un minimum mature, sachant prendre avec amusement une hypocrisie pleine d'ironie et non masquée. Alors que son client s'apprête à raconter sa vie, Alek se penche en avant, s'appuyant sur ses coudes pour mieux porter son attention. Habitué de l'écouter s'auto-sucer ou geindre sur sa vie, autant que s'épancher sur des concepts et philosophies mises en place par lui-même, il s'apprête à s'adonner à une ou deux bonnes heures de "hu-hum", hochements de têtes et rires presque forcé, son postérieur confortablement posé sur le lit -son propre matelas est bien moins agréable. Au fond de lui, les longs monologues de l'Empereur, dont le maigre public ne servait qu'à confirmer ses dire, Alek les appréciait. Certaines fois pour la justesse de ses réflexions, pour la culture sur son monde qu'il lui apportait, souvent le simple amusement de le voir chanter ses propres louanges de manière détournée mais trop peu crédible, parfois le divertissement de ses irritations face aux menottes de sa restriction.
Néanmoins, au début il avait des difficultés. En raison de son égo démesuré, de son époque et de son statut, le jeune homme avait et a toujours des idéaux, des façons de voir les choses, des façons de penser différentes de celles du russe. La malédiction venait alors rajouter gentiment du sel, du poivre, de l'huile et de l'essence, et plus l'Empereur déblatérait sur des sujets où son avis était différent de celui d'Alek, plus ce dernier se sentait mal et ressentait le besoin de sortir, de s'écarter de ce blasphémateur, voire de le faire taire. Sans qu'il n'y puisse rien. Mais l'Empereur était et est toujours l'Empereur, et étrangement chaque habitant de la Perle s'y voyait lié dans une étrange soumission involontaire. Donc il revenait le voir lorsqu'il le lui ordonnait, et, à force, son ventre lui faisait moins mal, sa petite voix murmurait moins fort. Désormais, il y était presque habitué, réussissant à le supporter sans trop de mal. Il était et est payé pour l'écouter. Payé pour lui donner l'impression, le temps d'une nuit, d'être important aux yeux de quelqu'un.

Son regard reste posé sur le jeune homme, un jeune homme trop plein d'énergie. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre que son Empereur aimait écrire, et peut-être que ce surplus d'énergie était la matérialisation d'une mauvaise canalisation de son inspiration, de son envie d'écrire. Il l'écoute lui lécher le cul sans broncher, habitué des flatteries manipulatrices depuis sa plus tendre enfance, où on lui clamait à quel point il était un bon garçon pour qu'il apprécie davantage les adultes. Ou pour qu'il leur obéisse. C'est comme ça qu'il avait eu cette expérience avec son cousin, plus âgé d'une demi-douzaine d'années. Il l'avait flatté, l'avait comparé aux autres, l'avait comparé à l'idéal hypothétique, et avait finit par obtenir ce qu'il désirait. C'est comme cela que procèdent les gens, ils flattent rarement gratuitement. Ils flattent pour obtenir ce qu'ils veulent. Dans le cas de l'Empereur, c'est pour être flatté en retour. Alek lui-même en est un bon exemple, faisant du bien aux autres en échange d'argent. Malgré tout, il ne pouvait qu'être d'accord avec les dires du jeune homme : les gens de son époque avaient une culture et une éducation douteuse.
Son attention s'était vue baissée lors de ses compliments, mais il s'éveille lorsque la vérité prend le dessus. Son regard brille d'une étrange lueur, celle d'un homme amusé. Il aime ces instants, ces instants où l'Empereur doit faire face à ses déviances. A force de le connaitre, il n'apprend plus de ces bavures, mais la simple irritation qui se dégage du regard s'infantilisant du jeune homme, et de son ton, suffit à amuser le russe. Surtout quand il insiste et s'efforce de mentir, et que ça ne marche pas. Évidemment, il finit par changer subtilement de sujet, lâchant l'affaire. Tous deux savent que c'est cause perdue.

Quand enfin le regard du jeune homme croise celui du russe avec un réel intêret pour l'avis de celui-ci, ce dernier pose con menton au creux de sa paume gauche, doigts repliés. Il l'observe quelques secondes, un léger sourire étirant le coin de ses lèvres, ses orteils qui se tordent prouvant qu'il réfléchit. Il ne veut pas répondre à sa question au tac-au-tac, ne souhaitant pas le vexer voire le blesser plus que nécessaire. Puis il se lève souplement, et s'approche du jeune empereur. Son assise, en tailleur, libère une nouvelle mèche de cheveux qu'il ne remet pas tout de suite en place, sa main s'emparant presque tendrement de celle du jeune homme pour l'amener légèrement. Il la lâche pour joindre les bouts de leurs index, baisers légers entre deux peaux usées par le soleil et le sable. Son sourire doux mais peu chaleureux ne laisse pas apparaître ses dents.

" J'aime la délicatesse de vos jurons. Délicieusement francs. " Qu'il susurre, faisant référence à la peste qui suivait son aveu involontaire. Leurs doigts se lâchent alors qu'il récupère sa main, la glissant nonchalamment dans ses cheveux pour ramener en arrière les deux mèches rebelles. Dans le même mouvements, il se redresse, et perd quelque peu son sourire.

" J'ai bien étudié votre siècle, mais je ne puis vous affirmer que l'on a étudié votre pays en profondeur. En Russie, nous nous penchions davantage sur du Pouchkine et sur du Tolstoï. En ce qui concerne la littérature française de cette époque-là, je ne connais bien qu'Emile Zola et un petit peu Victor Hugo. Ce sont des auteurs que les jeunes français étudient de notre époque. Mais en ce qui concerne Flaubert.. Avec Tolstoï et Balzac, il fait partie des trois piliers de la littérature du XIXième, même s'il n'est pas forcément très apprécié du petit peuple. "

Il a un soupir involontaire, un aveu silencieux de sa volonté de ne pas blesser le jeune écrivain qui demandait de la reconnaissance, non pas que son rival soit reconnu comme un des plus grands écrivains de sa génération. Alors certes, ses motivations n'étaient qu'égoïstes et présomptueuses, mais son côté naïf efface la couche poisseuse dont est habituellement recouvert l'orgueil. Désireux de changer de sujet, il lui jette un regard plus franc, et beaucoup plus intéressé, mains sur les genoux.

" Mais parlez-moi de vos écrits plutôt, Ô mon bel Empereur. Parlez-moi de votre roman qui a fait le plus polémique, tiens. Ça m'intéresse. "




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Titus
Date d'inscription : 13/07/2016
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Titus
Béni
Jeu 28 Juil - 22:33

Ce n'est pas de l'espoir. Ce n'est pas de l'espoir, mais une certitude à présent qui se niche dans mes deux yeux. Attentif, je vous suis et lorsque vous vous levez pour venir me retrouver un instant, cette certitude, celle qui existe là, dans ma tête et mes idées, toutes me prétentions, se transforme en affirmation. C'est un oui que j'attends et que j'exige, un oui que je veux et que je mérite. Vous n'avez pas idée, à cet instant précis, alors-même que vous finissez d'éliminer la distance polie que j'ai installé entre-nous, que vous portez sur vos épaules l’espérance d'un monarque. D'un peuple. Une seule parole, un seul geste positif et alors, alors je connaîtrais enfin la félicité !

Ce n'est pas tant la célébrité que je recherche. Mais de la reconnaissance. Peut-être même que les Hommes de votre siècle ont tout découvert, toutes ces vérités qui existent derrière certains récits. Le nom d'un romancier volé et oppressé par son siècle. Renié, car il avait la prétention de se plaindre et de réagir quand tout son travail est ainsi dérobé et revendu. Une œuvre salie, souillée par le nom d'un auteur à succès qui se riait des petits scribouillards aux prétentions trop énormes tel que moi.

C'est un souffle que j'expire. Courroucé et rauque de gronder dans mon esprit avide, si avide d'attention méritée ! Si bien que lorsque votre main se saisit de la mienne, je me rends compte, finalement qu'il n'y a plus rien que vous sépare vous et moi que mes soupirs courroucés et les votre amusés.

Votre sourire s'étire, moqueur que vous êtes, semblant se rire constamment d'un jeu de mot absurde dont je suis souvent le protagoniste. C'est lui qui me ramène à vous et votre main contre la mienne, vos doigts contre les miens qui me ramènent finalement à notre réalité. Celle où je suis un empereur et vous un courtisan habile qui me concède son temps volontairement sur l'autel de mes caprices. Parce que je suis, assurément un hôte très plaisant, ma conversation est vraisemblablement la plus plaisante de tout Terra. Pourtant, il m'arrive de me demander ce qui vous retient ici si ce n'est un ennui profond pour la réalité hors de ces murs. Hors de ce temps. Un temps partagé entre le rire et la conversation poli.

Et heureusement, heureusement que vous savez m'encrer à la réalité, car parfois j'ai l'impression que ma rancœur va m'engloutir alors que je suis un sauvé, un béni, si apprécié… Et quand je n'aurai plus d'encre ou quand l'implacable soif d'être adulé qui m'assèche les veines et la bouche ne pourra plus se satisfaire  de rien, oui, je crois bien que je disparaîtrais.
Je disparaîtrais pour n'être qu'une simple caricature de moi, un golem pathétique et malheureux. Je retiens un frisson et je me fixe à vos rétines que ne voient que moi, je me concentre sur vous et je me rassure. Tant qu'il y aura quelqu'un, n'importe qui, pour me voir et m'écouter, répondre et exister alors je ne serai pas ce golem.
Je resterai moi sans craindre d'oublier les autres. Sans craindre que les autres ne m'oublient. Le silence d'un monde solitaire est bien trop lourd à porter.

Je me recompose une allure, un sourire, la prétention de mes gestes contrarie forcément l'expression de mon visage qui c'était voilé. Assombris. Votre voix m'inspire un sourire et me concentre pour ne plus penser à moi uniquement à moi, parce qu'il y a vous. Il y a vous. Ce vous énigmatique et cette intonation suave. Ce vous qui sait récupérer mon attention de vos intentions si confuses. Il y a votre index et je détaille machinalement le mouvement. L'arc de vos doigts, qui miment une caresse délicate, mais douce assurément. Quand on considère qu'il y a peu ces mêmes doigts étaient sur ma peau, il n'est pas difficile de m'imaginer replacer moi-même cette mèche de cheveux contre votre oreille. J'ai déjà vu ce même rituel, mignard et délicat ou alors fébrile et insidieux, effectué par une frêle jeune fille à l'adolescence émouvante pour l'un, par une courtisane avec aussi peu de vertu que la votre pour inviter quelques messieurs à tomber pour le satin de sa peau et son corps lascif. Cela m'arrache un regard admiratif, puisqu'il me faut reconnaître que ma tentative d'imiter ce geste aux mille histoires serait futile. Et ridicule. Ma main tressaute dans le vide, car j'ai besoin de prendre des notes pour doter mon personnage de ce charme à peine dissimulé. Car j'imagine là une scène d'autant plus intense s'il avait lieu entre deux amants. Ou deux ennemis !

Et je suis bien tenté de vous sommer de me laisser prendre une plume pour écrire tous les mots qui me viennent en tête pour en faire le résumé romancé, mais votre sourire m'en empêche.

Ou plutôt l'absence de votre sourire me laisse là. Pantois. Comme rejeté sur la grève par une mer capricieuse et versatile. L'intime certitude niché dans mes entrailles. Vous allez me noyer. Vous allez m'engloutir et je vais mourir dans l'abysse d'une déception sans fond.


J'écoute, cependant. Plus craintif que je ne le voudrais, car maintenant je redoute la réponse plus que ma question et le temps qu'il m'a fallu pour vous la poser. Perdu. Gâché. J'inspire. J'écoute. Vous parlez de votre Russie, un peu et je me rends finalement compte que je ne connais rien de vous ou de ce pays lointain si ce n'est les Tsars, les empereurs, les conquêtes napoléoniennes, Moscou la Raffinée.

Je connais les poèmes de Pouchkine car ils m'ont été conté, mais la traduction qu'en avait fait la lectrice ne lui a sans doute pas rendu justice. Il est mort dix avant que je ne naisse. Quant au second, autant dire que sa façon de dépeindre l'Empereur Napoléon ne l'avait pas rendu très populaire. En France. Aussi je me contente de hocher la tête. Le nom suivant m'intéresse d'autant plus, car il me semble que j'avais envoyé quelque lettre à ce journaliste dont les articles étaient... plaisant. Aussi je ne fus pas surpris lorsque vous m'annoncez qu'il a eu une influence remarquable sur mon ère, bien que je n'ai assisté qu'à ses balbutiements littéraires. J'ai lu trop peu d’œuvre du suivant pour commenter, car sa vie et se choix politiques l'ont mené en exil personnel et il faut dire que n'appartenions pas aux mêmes cercles. Et mon menton était toujours pointé vers celui d'autres plus odieux… Mais j'oublie tout alors quand vous prononcez son nom. Et dans votre bouche les éloges qui suivent me frappent plus encore qu'un blasphème une trahison.

Un sursaut de rage me fait me redresser avec précipitation déplaçant quelques coussins. Une veine coléreuse battant trop puissamment contre ma tempe. Je balbutie et je ne vois plus rien. Je ne vois plus rien de vos sourires. Je n'entends plus rien de l'apaisante pommade que vous essayez de me passer. Je deviens sourd aux éloges, sourd aux sollicitations et même aveugle. Dieu que je suis aveugle. Je balbutie :

« Mais. Non ! Cela ne se peu. Vous riez, n'est-ce pas ! N'est-ce pas ? N'est-ce pas.. ? Dit- Mais je me coupe volontairement la parole, manquant de me sectionner la langue. Je ne veux plus que vous parliez. Je ne veux plus entendre. J'essaie de trouver un soutien quelconque dans vos rétines. Mais hélas, hélas ! Il est trop tard. Je détourne lentement l’œil et ma bouche habituellement impatiente perd son sourire. Mon torse retombe, se dégonfle, ma posture n'est même plus fière et je n'essaie même plus de l'être. Ma bouche, encore celle-ci, écarquille deux ou trois sourires nerveux qui ne savent s'ils doivent s'émouvoir, hurler, crier, pleurer, rire. Dégénéré et détraqué. Mon regard dans le vague, posé quelque part sur le sol. Ici et puis ailleurs.


 « C'est.  Oui.» Je m'abandonne sur la pile, le dos et les épaules bien trop droites pour que cela soit naturel.  « Ah. » J'expire un souffle douloureux pour ma gorge trop sèche, frôlant du regard une épaule trop légère et étrangère pour s'émouvoir de ma déroute. Vous ne pouvez le voir, mais je me décompose.

 « C'est. Et bien. » Je cherche une pirouette, une hypocrite échappatoire, mais ce que ma bouche formule c'est une vérité qui je ne souhaite pourtant pas partager à cet instant.  « Voilà qui est extraordinairement. Véritablement. Profondément. Je cherche mes mots pour terminer cette phrase. Mais je ne peux en prononcer aucuns même si je joue sur les superlatifs aucun adjectif ne peut terminer ma phrase. Car je ne peux mettre un seul mot sur ce que je ressens. Déception, détresse, peine, lassitude, colère, rage, haine, désespoir, dégoût, trahison, abattement, spleen, hystérie, outrage. Rien ne va parce qu'il faudrait que j'utilise tous ces mots et que j'en forme un seul et nouveau, qui ne serait ni vrai ni objectif et qui ne pourrait jamais être prononcé par ma bouche et écrite par  ma main, car c'est là mon châtiment le plus cruel, car il n'a pas d'autre existence que celle que je souhaite lui donner.

 « Pas d'accord. Pas d'accord. Tout ne va vraiment pas bien. Et c'est très grave.» Qui aurait du ressembler à D'accord, d'accord. Tout va bien, vraiment. Ce n'est pas grave. Mais sur le coup cela ne m'interpelle pas plus.

 « Je n'ai pas compris ce que vous avez dit ensuite. Mais cela ne m'attriste pas, pas sincèrement du tout. Je ne vous assure pas.  »

La pseudo cohérence que j'arrive à garder habituellement pour ne pas subir ma restriction s'est échappée quelque part et je n'arrive plus à essayer de paraître clair. J'ai juste besoin d'exprimer, car le silence et la solitude est meurtrier.

 « Est-ce que vous avez faim ? Parce que je suis littéralement pas du tout affamé. Et je ne pourrai absolument rien avaler. J'ai des figues et des fruits, ceux qu'on trouve dans la forêt. De l'eau-de-vie au melon sauvage. Et peut-être de la viande et du cactus. Sans doute. Je crains qu'il vous faudra faire la conversation. »

Je pourrai partir dans une litanie douloureuse. Et je n'ai pas envie. J'ai besoin que vous parliez pour penser à autre chose et oublier à défaut d'accepter. Je me redresse et je vous contourne en passant par le lit, à quatre pattes, faisant fit de toute convenance. Je dis :  

 « C'est vrai on parle toujours de moi. De moi. Et il y a vous. Alek. Et on ne parle jamais de vous. Pourquoi ne parlons-nous jamais de vous ? » Je reste de dos, car la douleur s'imprime trop sur mes cernes et mes ridules que l'amertume a gravé sur ma peau et je redoute qu'elle s'imprime dans d'autres prunelles que les miennes. Je m'installe, trop stoïque sur une chaise après avoir demandé à un milicien d'aller nous chercher à manger.  « Est-ce que vous avez passé une bonne journée, déjà ? » Cela ne m'intéresse pas généralement, mais ce qui suit cette sentence est le silence et l'immobilité. Une certitude à présent gravée dans mes os et ma chair.

Personne ne se souvient de moi, ni même ne se souviendra.
Jour 48 • Appel urgent • Ft. Titus 964495candiceking

Ft. Alek

Jour 48
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Aleksei
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Béni





Aleksei
Béni
Ven 29 Juil - 15:52
Appel urgent

▬ Ft. Titus

Alek savait que ses mots seraient blessants, mais il ne pouvait se permettre de mentir, trop fidèle à la réalité. Il ment sur lui-même, c'est tout. Mais il ne pensait pas le bouleverser à ce point.

Ils ne se connaissent que depuis peu. S'être vu une dizaine de fois, grand maximum, entre deux journées. Mais le russe n'avait pas besoin de plus que ça pour apprendre à l'appréhender correctement. Il les voit, ses regards, les intonations diverses que peuvent prendre les reflets de ses yeux, les éclats qu'ils ont au fil des mots. Il les aperçoit, ses lèvres qui se pincent légèrement, ou au contraire esquissent un sourire vrai, faux, forcé. Même s'il ne le commente pas, il le remarque lorsque ses doigts s'agitent, semblant taper dans le vide. Il le voit, tout ça, parce que Alek a toujours observé les gens, s'autant plus depuis qu'il travaille comme marchand de sexe. Il a pris le réflexe de repérer tout signe pouvant lui permettre d'exécuter son boulot au mieux. Et il a donc vite compris que son Empereur a un monde en lui, qu'il n'est pas juste un être simple et facile à cerner, malgré les apparences. Pas juste un Empereur profitant de son statut, non. Il y a quelques minutes, Alek aurait dit du jeune homme qu'il était avide de pouvoir, de reconnaissance, qu'il voulait de ça pour s'aimer.
Seulement, il ne se serait pas douté qu'il n'avait pas qu'envie de reconnaissance, d'amour et de notoriété, mais que c'était une nécessité presque vitale pour sa stabilité, pour son intégrité psychologique. Un Titus qui a besoin d'être vu, reconnu, un Titus qui a peur d'être oublié. Aleksei n'est pas ici juste pour l'écouter, approuver, lui redorer son égo en le flattant. Non, Aleksei est essentiellement ici pour prouver au jeune  empereur que quelqu'un pense à lui en cet instant, que quelqu'un le connait toujours car cette personne peut venir n'importe quand. Le jeune homme est plus torturé qu'il n'y parait. Moins enfantin qu'il ne le montre.

Le russe n'est pas resté, lorsqu'il a vu le regard de l'empereur chanceler, lorsqu'il a compris qu'il venait de réveiller la petite chose désespérée terrée au fond du jeune homme. Alek s'est reculé, récupérant ses mains et son corps mais restant assis, lorsque les yeux de Titus se sont éclairés d'une drôle de lueur, de déception, et que son corps s'est tendu d'un adrénaline dangereuse. Le russe s'est reculé, et son regard s'est assombrit, moins inquiet que froid et distant. Il préfère prendre du recul, et observer. Observer son corps qui n'exprime que trop bien le vacillement de son esprit, que trop bien son malaise. Ses mots hésitants, ses mots tordus, ses mots douloureux, ses mots poussés par sa restriction, ses mots qu'il prononce pour entendre sa voix, pour occuper son esprit, pour ne plus penser, pour moins souffrir. Ces mots ne le font pas rire, ne le font pas sourire. Mais ils l'attendrissent légèrement, son regard est moins dur. Ce n'est pas de la pitié, juste de la compassion et surtout de la compréhension. Il n'a pas faim non plus, mais il ne se risquerais pas à ramener la réalité trop désagréable à l'Empereur, mais il n'opine pas. Il ne le suit pas non plus du regard, quand Titus le contourne, assez peu soucieux de son image pour se traîner à quatre pattes dans son dos jusqu'à aller à la porte. C'est d'ailleurs en sentant un poids s’alléger dans sa poitrine, au fur et à mesure que la distance entre lui et l'empereur se fait grande, qu'il comprend qu'il veut juste qu'il arrête de lui parler. Qu'il arrête d'être dans la même pièce. Au moins, cette intolérance envers Titus a le mérite de ne pas entraîner la haine.

Ses mots continuent de décompresser le jeune russe, qui peut ainsi se fixer sur autre chose que sur le comportement de l'Empereur. On ne parle jamais de moi parce que vour être trop égocentrique pour cela, jeune Empereur. Et même ce changement de sujet n'est pas là par intérêt pour ma misérable vie, mais pour vous changer les idées. Il comprend aisément que son client se taira ensuite. Il comprend aisément que c'est son tour de mener la danse, une danse plus douce, plus apaisante, moins dangereuse, moins brusque. Parce que Titus a besoin de ça, de se changer les idées, d'être apaisé. De poser son attention sur autre chose.
Alors Alek se lève, lentement, et glisse dans le dos de son Empereur, à genoux. Contre son torse nu, il peut sentir le bois du dossier de la chaise, et la délicate chaleur qui se dégage du dos de Titus. Il entoure ses épaules de ses bras, sans serrer, pour ne pas l'oppresser. Il n'est pas allé devant lui, non, ayant compris que le jeune homme préférait rester de dos. Une manière physique de montrer le désir de ne pas se confier, de ne plus s'exprimer, sûrement. De protéger son visage d'un regard qui pourrait y lire encore des choses, tellement de choses. Son menton se pose sur une épaule fine, ses mains sont dans le vide, immobiles, quelques doigts frôlant la peau pâle de l'empereur. Sa voix finit par percer, douce mais lassée de sa journée.

" J'ai passé une journée de merde, sir. C'est la chaleur qui m'a réveillée, oppressante, le drap collait à mon dos et les cheveux à mon front, la langue gonflée et la peau irritée. J'ai horreur de me réveiller ainsi, mais je n'étais pas là où je dors d'habitude, et trop peu ont la présence d'esprit ici d'étendre des tentures ou des habits aux fenêtres, pour limiter l'entrée du soleil. Les fruits avec lesquels on a daigné me payer sont trop murs pour tenir trois jours, et un chacal est venu manger le morceau de viande que je gardais pendant que je n'étais pas là. Mon dernier client m'a fait un suçon, alors qu'il sait pertinemment que je ne veux être marqué, même à la cuisse. Mais que voulez-vous, c'est le commerçant le plus riche ici.. "

Il n'évoque pas le pire de cette journée, le malaise qui l'a pris à la gorge, à cause d'une incarnation noire de peau qu'il avait percuté, sans la voir. Il ne lui en parle pas, haïssant ça. N'assumant pas. Le malaise de ce contact était resté quelques tours de sablier, et lorsqu'il avait enfin commencé à s'estomper, c'était la haine de soi qui grandissait en lui, c'était la honte d'être ainsi. Lorsque la nuit avait daigné tomber, ç'avait été comme une délivrance. Alek n'attend pas que Titus réponde, ses bras glissant lorsqu'il se lève. Il contourne la chaise, et une fois devant Titus, sans le dévisager, juste en le regardant, il prend ses deux mains dans les siennes, l'incitant à se lever.

" Je pense que si vous ne m'aviez pas appelé, j'aurais pu ranger cette journée dans le Top 5 de mes pires journées à la Perle. Vous avez embelli ma soirée. "

Il recule alors, sans lâcher ses mains, les tenant doucement. Il finit sur le lit, en tailleurs, en face de Titus. Il espère que ces mots, majoritairement vrais, auront réussi à adoucir un peu l'esprit de l'empereur. Pas qu'il y soit particulièrement attaché, mais il est payé pour ça. Pour faire du bien. Néanmoins, il aime être ici, avec l'empereur, dans une chambre où le sexe a moins sa place que la parole et les coussins. Il n'a pas eu besoin d'apprendre à apprécier, non, la première fois qu'il est entré dans cette pièce il a eu ce sentiment d'y trouver un mini-refuge superficiel. Les occupations lui ont plu, aussi. Titus a besoin d'amour, pas de plaisir, et c'est ce dernier que le russe donne, avec son corps. Mais c'est de l'amour, indirect et probablement faux, qu'il donne avec son regard et son écoute.



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Titus
Date d'inscription : 13/07/2016
Béni





Titus
Béni
Mer 17 Aoû - 18:12

L'inspiration suivante est plus douloureuse que la précédente et il en va de même pour chacune de mes expirations et de mes inspirations à venir. Je me demande. Je me demande alors, les yeux rivés sur le mur, le sens de ma vie sur Terre si personne n'a jamais même eu vent de ma propre existence. Et pourtant je suis grandiose ! J'ai vécu dans la tourmente de mon air, j'ai alpagué l'opinion en osant protester contre l'usurpation de la littérature. J'ai mêlé ma voix à celles d'autres pour dénoncer le manque d'obséquiosité de mes semblables et des éditeurs ! Ne suis-je pas digne de perdurer des siècles et des siècles ?

Seulement voilà. Vous m'annoncez que l'histoire n'a même pas retenu de moi mon nom. Celui passé qui n'avait pas d'importance. Moins d'importance que mon nom de plume, Titus. Que personne ne se souvienne de Titus me peine. Louis-Napoléon passe encore. J'inspire douloureusement encore. J'enterre. Ma rancœur, ma déception, ma peine, mon ressenti. Je l'enterre et j'expire un sourire trop triste pour me ressembler. Vous approchez et vous vous glissez dans mon dos. Je hoche la tête, approuvant tacitement ce tact délicat et je m'abandonne.

Je délaisse mon merveilleux esprit pour me concentrer sur le votre. Merveilleux ? Sans doute pas, car ce n'est pas l’acuité du votre qui me séduit même si elle est indéniable. L'étreinte dont vous gratifiez mes épaules me berce délicatement et me console quelque peu. Me ramenant sans le vouloir à ma piteuse condition et à mes humeurs grises. Nos effleurement me troublent peu, mais il faut dire que j'ai le corps trop engourdi par la déception pour en être la victime. J'écoute pourtant. Je prête une oreille toute soucieuse à votre état. Je ferme les yeux et j'essaie d'imaginer.

La chaleur d'abord. Celle qui me donne envie de somnoler tout le jour. Puis celle trop moite qui me réveille en pleine nuit, emmêlé dans la soie. Quand cela arrive je n'ai plus qu'une envie : Celle de me passer un linge humide sur les épaules, assis sur le rebord de la fenêtre. Je hoche la tête comme je vous comprends et je ne fais pas de commentaire car le récit m'intéresse. Vos mésaventures me distraient des miennes. Quand vous parlez des fruits je pense à ceux qui devraient arriver pour distraire nos estomacs. Je ne suis pas celui qui les conserve et je m'étonne que ceux qui arrivent jusqu'à mon palais soient plus résistant. Peut-être que l'endroit est plus frais ? À l'évocation du chacal je soupire. Takeko allait devoir organiser une autre battue pour chasser cette bête des habitations. Peut-être me laisserait-elle y assister ? Pour une fois. La vie hors du palais me paraît trop lointaine et c'est votre présence qui me ramène à elle. Étrange.

J'apprends avec une certaine surprise qu'un commerçant de Ma Perle soit assez riche pour entretenir vos visites régulières – peut-être plus régulières que les miennes – assez habilement. Il me semblait pourtant que la richesse ne devait plus exister dans ce monde ou le troc fait la loi. Mais je suppose que mon idéalisme me rend trop naïf et que j'ai fini par oublier que l'homme est un homme qui ne s'épanouit pas mieux que dans la domination d'autrui et l'amoncellement massif et régulier de biens qui ne devraient pas avoir tant de valeur. D'un geste compatissant j'appose ma main sur votre bras que je tapote. Mais le contact ne dure pas longtemps. D'ailleurs je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit, comme si mes mots n'étaient pas suffisamment apaisant pour alléger vos maux.

Vous quitter mon torse aussi soudainement que vous vous y êtes accroché. Vous vous retrouvez de nouveau devant moi. J'esquisse un sourire vaincu. L'exil de ma vision n'en est pas moins soulagée de pouvoir à présent se fixer et se raccrocher un peu mieux à quelqu'un. Vous récupérez mes mains, je me lève, assez docilement. Vos mots à vous ont le pouvoir extraordinaire d'alléger ma peine comme ils l'ont alourdi quelques minutes plus tôt.

Je vous suis, tandis que vous reculez. Vos pas nous ramène à mon lit. J'esquisse un sourire amusé quand vous vous y installez. Comme si vous aviez à cœur de me préciser que cet endroit là est plus agréable que mes chaises en bois. Ce qui indubitablement vrai. Je dépose mes lèvres sur vos phalanges pour y déposer un baiser reconnaissant et puis, délicat je me permets d'aller gratifier votre poignet d'un autre avant de délaisser vos deux bras et de m'installer sur le sol, un bras et ma tête accoudés sur les draps. Je récupère une de vos mains et je dis :

« Bien évidemment que mes sollicitations ont adouci votre journée. Vous devriez parlez plus souvent de vous, Alekseï. Même si j'ai l'impression que toutes ces petites choses n'ont rien à avoir avec vos vrais tracas.» Je suis pensif quand je le dis, ma main libre accrochée à la votre pour l'y raccrocher à moi et me donner l'illusion d'une promiscuité véritable. L'illusion d'une tendresse et d'une affection qui manque cruellement, quand mes yeux croisent certains de mes sujets.  « La prochaine fois vous devriez m'inviter dehors. » Suggérais-je en relevant la tête pour saisir un regard.  « Si vous vous pavanez au bras de l'Empereur, vos clients comprendrez que pour que vous acceptiez de visiter leur couche ils devront le mériter. Car après-tout, vous visitez la mienne ! Enfin, officiellement.Officieusement nous savons tout deux qu'il ne s'y passe rien d'aussi extraordinaire que pourrait penser l'opinion publique. Peut-être que si j'apparaissais faussement irrité qu'un autre ai eu l’outrecuidance de marquer votre peau, ils y réfléchiraient à deux fois avant de s'imprimer sur votre peau. » Cette fois-ci un rire vient secouer mes épaules, jusqu'à ce que je me rappelle de l'important.  « Diantre ! J'oubliais l'autre raison de votre venue !  » D'un coup je me lève et je vais chercher dans un coffret sur le coin opposé un châle aux arabesques gracieuses. Je reviens vers le lit et je dépose sur vos épaules ce présent.

 « Je l'ai fait faire pour vous. » Précisais-je en vous regardant, un air satisfait dans les prunelles.  « Bien que… Bien que cette soirée n'est pas aussi merveilleuse que je ne le pensais... » L’euphémisme est le seul cadeau que la vérité me laisse et me permet d'user à tord et à travers et l'utiliser pour résumer le début de notre soirée me permet de sauver les apparences d'un esprit, le mien, calme et apaisé.  « Enfin. C'est un présent. Pas un dédommagement. Si vous n'acceptez pas les présents et bien… Prenez cela pour votre dû. » Je saisie des mèches de vos cheveux, celles qui encadrent votre visage pour mieux voir vos yeux.  « Notez bien que je n'ai pas le goût très sûr pour ce genre de chose et que j'ai essayé de trouver une couleur qui ressemble à celle de vos yeux. La tisseuse m'a conseillé les motifs. Je me suis dit que les pierreries ne vous plairez pas, puisque vous n'êtes pas une femme. »

J'esquisse un autre sourire :  « J'ai bien essayé de composer un blason pour vous l'offrir en pensant que mes mots vous raviraient plus qu'un présent de cette nature, mais je dois encore affûter mes rimes et les enrichir pour qu'il vous sied. Et pour cela il faudrait que nous cessions de nous étonner pour que je puisse être certain de vous connaître suffisamment pour être juste. La vérité s'agrippe à mes mots aussi et parfois semble en savoir plus sur vous que moi-même. Il me faudrait me souvenir des sensations de mes doigts pour que je puisse les retranscrire parfaitement dans un poème qui rendrait justice à vous et à moi. Après-tout, mes écris doivent être aussi fantastique que je le suis. »

Mes rires s'estompent et mes doigts s'accrochent à présent à vos joues pour les saisir. Ou pour les caresser, je ne sais. Il faudrait que je connaisse par cœur votre peau pour pouvoir en décrire le satin, le safran et toutes ses nuances. Ses aspérités. Mes doigts s'accrochent pour s'envoler de vos pommettes à vos tempes, en passant par votre menton et votre cou. Je note que vos joues sont un peu creuses et je m'abaisse un peu, quand je me rends compte que j'ai la curiosité d'aller chercher de mes lèvres les votre, ou ne serait-ce qu'un coin de votre sourire pour le comprendre.

Mais j'entends la porte cogner et j'oublie vite, car je me rappelle que n'aviez eu récemment que des fruits trop mures et que j'ai encore à cœur d'impressionner mon hôte. J'avance d'un pas allègre pour ouvrir la porte et aider le milicien à tout déposer sur la table. Du vin, des pommes de terres, des fruits, du melon, du ragoût de cactus. Et même un peu de miel. Ne suis-je pas l'hôte le plus merveilleux. Je dis distraitement à votre attention en congédiant d'un coup de tête le milicien:

 « Avez-vous déjà participé à une chasse au chacal Alek? »

Ft. Alek

Jour 48
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Aleksei
Date d'inscription : 25/07/2016
Béni





Aleksei
Béni
Jeu 13 Oct - 0:59
Appel urgent

▬ Ft. Titus

Le russe est agréablement surpris par tant de considération pour sa personne et pour ses propos, surtout que ceux-ci ne portaient que sur les préoccupations purement égocentriques dues à sa simple vie de gigolo. La justesse de sa remarque l'intrigue d'ailleurs, le contact de leur mains donnant une réalité tangible à la perspicacité de l'Empereur. En effet, ses vrais tracas sont loin de prendre source dans un chacal ou un suçon -quoique-, mais comment ce petit être égoïste et égocentrique a-t-il pu s'en rendre compte ? Et même, ne serai-ce qu'y faire attention ? Alek reste longuement silencieux, dans l'écoute de ce jeune homme qui a enfin retrouvé l'envie de parler, de s'exprimer, visiblement apaisé. Il l'écoute, son regard grisâtre en éveil d'un certain intérêt face à ce discours inhabituel quoi-qu’inconvenant. Se servir de son statut pour tenir à l'écart les autres, outre l'abus de pouvoir inutile, ça éloignerai davantage les Perlais d'Alekseï, inquiétés par l'attention que lui porterai leur Supérieur Suprême. Un excellent moyen de ne plus exercer son métier, mais surtout d'accroître le fossé séparant le russe et les autres, et ainsi d'amplifier ces sentiments liés à sa restriction. Non, il préfère n'être qu'une rumeur, qu'une brume traversant le palais une fois de temps en temps, agitant les lèvres fébriles des employés pour quelques secondes à peine avant d'être oublié, rangé dans un coin sombre et poussiéreux de la mémoire, son image s'étiolant vite et bien. Mais au moins, cette idée déplacée a le mérite de faire rire l'Empereur, et Alekseï se surprend à aimer son rire, le  trouvant doux, cristallin, pur, son regard lumineux, ravi de son idée. Loin de son orgueil démesuré.

Il n'oublie son rire que lorsqu'un fin voile est déposé sur ses épaules, caressant sa peau dans un frisson délicat. Le châle est dans une matière douce, comme une seconde peau, léger mais présent. Une main, il en soulève un pan et apprécie les arabesques habilement tissées du regard, puis du toucher, entre le pouce et l'index dans un geste souple et subtil, s'étonne de la qualité du tissus et de la coloration. Ce genre de vêtement est rare, dans la Perle, et cher. Au moins une dizaine de cagettes de pommes. Diantre, saloperie, je commence à m'adapter inconsciemment à leurs conneries de système de troc. Son regard tout entier exprime sans retenue le ravissement, il est vrai qu'il n'a reçu que peu de présents depuis son arrivée, et aucun de cette valeur et de cette justesse de choix -même s'il aurait adoré porter des pierreries, l'éclat de leur teinte raffinée, du cisaillement de leur forme, son côté Drag Queen qui ressort sûrement. Il hume avec délicatesse le doux fumet du châle, pourtant très léger. Une odeur d'artisanat, de tissus amoureusement filé, une odeur de doigts fins et agiles. L'odeur de l'Empereur aussi, celle de ses grands appartements, qui s'est imprégné dans le tissus lorsque celui-ci y établissait demeure. Le nez dans le pan du châle, rabattu d'une main légère, il l'écoute, touché par son attention prenant une tournure ambiguë, mais agréable. Le tissus retombe sur son torse lorsque les doigts chauds et doux de l'empereur déposent leur empreinte sur sa joue, dévoilant le bas de son visage tandis que ses paupières s'affaissent doucement, de moitié, subissant la séduisante caresse de cette main royale avec une suave satisfaction. La déformation professionnelle -si on peut appeler ainsi son activité arbitraire- ressort alors, et il perçoit tout de suite cette infime tension, puis cette lueur imperceptible dans le regard de Titus, ses lèvres d'Empereur bien-aimé qui s'entrouvrent à peine, rosissent à peine. Mais assez pour arracher un souffle amusé au jeune russe, juste au moment où ils se trouvent interrompus, dans un bruit sec faisant tiquer Alekseï.

Il ne s'approche pas du milicien, grand, trop grand, se contentant d'un bref regard depuis le lit, et ne se lève que lorsque la prote se referme et que les fruits sont déposés sur la table. Ses pas l'amènent vers celle-ci, et tandis qu'il n'avait pas faim l'instant d'avant, son appétit s'éveille devant ce festin de roi, peinture colorée et luisante, charnue, odorante, terriblement tentante. Il reste à distance respectable, offrant un sourire intéressé mais distant à Titus, en réponse à sa proposition.

" Permettez-moi de jouir de ce présent-ci, avant de m'accabler de nouveautés. Voyez-vous, je n'oserais me complaire dans un luxe soudain, plonger dans une fainéantise bercée de cadeaux, de divertissements insipides et de facilitées. Non pas que ma situation de prostitué me convienne si bien que cela, mais au moins elle me rappelle ma condition et me ramène à la réalité de cette vie. "

Il tend une main gracieuse vers un quartier de melon, s'en saisit et le porte à ses lèvres. Il y croque un bout, et le gout sucré emplit sa bouche, agresse presque ses papilles plus habituées à une saveur si prononcée. Il reste debout, le châle couvrant nonchalamment ses épaules tannées par le soleil mais fuselées. Du bout du majeur, dans un geste plus noble qu'atonique, il essuie une perle de jus orangeâtre coulant de ses lèvres.

" L'intérêt que vous portez à ma personne et à mon confort m'emplit de joie, il est très agréable de trouver un tel altruisme dans ce désert, et encore plus d'en être l'objet. Je suis surpris que vous jetiez votre dévolu sur moi, et vous en suis reconnaissant. " Ils échangent un regard silencieux. " Appelez-moi, si vous aimeriez ma présence pour une prochaine chasse aux chacals, mais je doute être un bon chasseur. De plus, abattre un être vivant éveille en moi un sentiment de culpabilité et de dégoût. Légèrement. " Il en dit peut-être trop, l'Empereur risque de ne pas aimer que l'on dresse ainsi un idéal contre sa volonté. Aussi il se tait, profitant de son melon.

" Mais avant de m'adonner à ce genre d'activité physique et sociale, j'apprécierai énormément me plonger dans la lecture. C'est un art qui me manque, depuis que je suis arrivé, car on trouve ici trop peu d'écrits. Pourrais-je lire votre roman ? " Il s'agit là d'une demande délicate, et il en est bien conscient, aussi son ton est posé, ses gestes calmes, et il a profité de s'être rapproché pour poser sa peau de melon pour glisser le bout de ses doigts rafraîchis par le fruit dans les cheveux fin de Titus, replaçant quelques mèches rebelles d'un geste simple et intime.

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