Louis-Napoléon De Mercier, un nom gravé quelque part dans le temps. Si vous cherchez vous ne trouverez guère plus que deux trois éditions contenant des histoires féeriques le reste de son œuvre c'est perdu dans les méandres de son siècle.
Sa plume facétieuse et son lyrisme a outrance était bien trop en décalage de l'époque. Non. Les salons littéraires ne juraient alors que par Flaubert et ce fameux George Sand aux dentelles bien trop charmeuses. Si Musset ne s'était pas éteint de manière presque trop romanesque dans la foulée, peut-être qu'il aurait eu une chance de figurer parmi les étoiles. Mais les romances de Louis-Napoléon manquaient de profondeur disait-on. De réalisme. Le peuple ne pouvait s'amouracher d'une bergère et de ses aventures pastorales sans saveur, combien même le dieux se mêlaient à l'intrigue. « Vous manquez cruellement de réalisme mon cher !» « Depuis Bovary, rien ne m'étonne plus que de découvrir les mœurs du sexe faible, mais vos femmes sont si candides… » Naïveté et romance envolée, ne reste plus que l'implacable vérité d'un amour coupable où l'adultère fait loi et où le chaos n'est plus qu'une toile de fond coutume et accoutumée.
C'est qu'ils n'avaient plus l’œil pour s'émouvoir du flirt innocent d'une princesse ou d'une indigente. Ils voulaient de la tension, des métaphores pleines de lyrisme sur l'amour du corps plutôt que l'amour de l'esprit. Les plaisirs coupables trouvaient des lecteurs et les amours interdits aussi et ce n'est pas Litz qui aurait pu dire le contraire. Peut-être que s'il était né avant, Sand aurait donné l'idée de son romain à Louis plutôt que Balzac. Trop jeune ou pas assez.
« Vos phrases sont belles mon ami, mais avez vous lu les carnets de voyage de Sand ? N'êtes vous donc jamais sorti de Paris ?» Las ! Las ! On le conviait à des salons, mais jamais au grand jamais on ne le laissait parler. Il se devait d'entendre l'Ennuyeux et l'Opiniâtre et leur amis… Si influents, si célèbres. « Des artistes, Monsieur. »
Louis en était un, mais il souffrait de la prolifération des écrits des grands. Ils étouffaient, dictaient ce qui plaisaient ou non aux lecteurs si bien que personne ne souhaitait publier ses balbutiement romanesque. C'est bien là ce qu'il lui avait dit, ce moustachu au ventre bien trop arrondis. Qu'il était de surcroît trop immature et terriblement niais s'était-il même esclaffé… Mais bien structuré.
Plus tard, quand celui qui s'est moqué publiquement écrira une histoire qui ressemble à s'y méprendre à celle de ce jeune gratte papier mielleux, personne ne dira jamais rien. À part de nombreuses éloges… Ses phrases, ses mots, son inspiration. Volés. Combien même Louis-Napoléon jurait qu'il avait envoyé son manuscrit à ce monsieur avant qu'une histoire semblable ne sorte. Personne n'y croyait, ils s'esclaffaient et pourtant… Pourtant sa main. Ses mots. Son temps. Sa vie. Sa plume. Sa consécration ! Était-ce pour cela qu'il baisait les mains les plus grasses et miaulait des douceurs aux artistes depuis des années ?
L'injuste raison à tout cela était que Louis-Napoléon était trop heureux, ses aventures trop doucereuses pour faire de lui un écrivain du peuple populaire. L’oisiveté et les compliments dans lesquels on l'a bercé depuis tant d'années n'étaient pas pas assez rude pour le préparer au monde littéraire de la très grande France. Malgré l'argent de sa famille et sa filiation lointaine avec l'Empereur.
L'opinion de ces salons était si influente que les compositeurs les plus en vues ne cessaient de voleter autour. Comme si la célébrité n'était réservée qu'à un cercle restreint d'amis. Des qualités il en avait et même ce qu'il écrivait n'était pas mauvais, mais il semblait persuadé qu'
ils avaient la main mise sur l'opinion et qu'il ne pourrait jamais rien changer. Ou peut-être que si. S'il devenait influent et puissant. Plus encore.
Peut-être ?
Alors Louis-Napoléon à redoublé d'efforts pour se faire connaître et se faire apprécier, mais rien y faisait. Il restait le jeune scribouillard qui s'est un jour indigné qu'un grand maître ne prenne ses écrits pour le transformer en une œuvre littéraire majeur. Et combien même c'était là la vérité, ne se sentait-il pas flatté qu'on juge ses écrits suffisamment bons pour la faire porter en imprimerie, même signé par un autre ? On se riait de lui et bientôt il n'avait même plus sa place dans les jolis salons et les fêtes entre intellectuels et dignitaires… C'était si injuste que le monde ne sache pas, ne comprenne pas qu'il était l'être le plus influent de sa génération !
Aveugles et sourds, la bouche trop pleine de réalisme et le ventre à la place de l'esprit. Ou l'esprit à la place du ventre. Rien ne les rassasiaient plus que l’insipide, mais régulière soupe littéraire qu'on leur servait à longueur de temps. La rancœur au bord des lèvres et la vengeance la plus sombre dans l'esprit, Louis-Napoléon vivait. Dans la misère et les mansardes que l'on accorde aux jeunes indigent qu'on déshérite à la suite du moindre scandale. Ses ambitions grandissaient plus encore que la colère qui secouait sa plume quand il écrivait des pamphlets… Et puis un jour il trouva un papier qui lui proposait mille merveilles. Songeant à une farce de mauvais goût de l'un de ses détracteurs il s'est rendu dans cette ruelle. L'éducation sentimentale à peine sortie. La colère palpitant dans la veine.
Il tire la porte, rageur… Et.
Le désert. La chaleur. La soif. L'incompréhension. Et puis… La solitude. L'horizon et le mirage. La mort sans doute au détour du chemin, sous chaque grains de sables qu'il piétinait la bouche grande ouverte. Et puis il l'a vu. La Perle. Sa jolie Perle. Il s'est avancé. Il a palpé sa poche pour en tirer son papier.
Le papier. Le Nota Bene.
« Vœu réalisé : Devenir le Roi du monde »
Il était le roi d'un monde fait de silence, de sable et de verre. Du bleu, Des dunes. Une infinité de jour devant lui pour vivre un Enfer de solitude. C'est qu'il n'y avait plus personne pour entendre sa prose et ses jolis mots. Pis. Il n'était plus capable de mentir.
Alors le premier jour il a couru. S'est réfugié dans le palais, assis sur son trône. Les fantômes chuchotant qu'il n'avait ce qu'il méritait. À moins que ce ne soit le vent ?
Le jour suivant ils arrivèrent. Ils arrivèrent tous. Deux par deux. Ils étaient là. Il n'était plus seul. Il n'était plus Louis, mais Titus.
L'Empereur.
Ce qu'il n'a jamais su et qu'il ne saura jamais c'est qu'enfin quelqu'un avait reconnu le talent, son talent et qu'il était prêt à le lancer et le publier… Mais il ne sera jamais là pour assister à son succès.