au début c'est chaud, puis froid, et ça finit toujours par faire malJe suis né Etienne Rousseau et au début de ma vie je n’avais rien à envier à personne.
Mes parents avaient largement de quoi subvenir à mes besoins, et j’ai eu une éducation quasi irréprochable. Je n’ai pas été renié par mon père, je n’ai pas connu ni la faim ni la solitude, j’ai fait des études, et globalement j’avais tout ce qu’il fallait pour être raisonnablement heureux. Petit j’ai appris tout ce qu’il fallait savoir sur la bonne conduite et les sciences, et plus tard j’ai commencé mes études pour devenir médecin.
C’est pendant ces longues années d’études que j’ai rencontré Elise, ma meilleure amie, et future femme. C’était les meilleures années de notre vie et tout portait à croire que ça le resterait encore pour un bon moment.
Et puis est arrivé Antoine, qui a complètement bouleversé mon existence.
En bien.
Puis en mal.
Il a débarqué dans nos vies un soir d’automne. Il faisait étrangement beau, ce jour-là. Je m’en souviens comme si c’était hier. On fêtait la fin de nos longues années d’études, avec Elise et des amis, dans un bar où nous avions nos habitudes. On s’est assis au piano, avec un des amis en question, et on jouait à quatre mains une chanson dont je ne me souviens plus pendant que les autres chantaient (hurlaient pour être plus exact) à tue-tête. C’était bien. C’était tout ce qu’il nous fallait.
Puis il est entré au moment où la chanson s’arrêtait. Il avait l’air tranquille de celui qui ne cherche pas grand-chose et les cheveux roux flamboyant. Forcément, ça se remarque. Il est allé prendre un verre puis s’est tranquillement dirigé vers nous.
Tranquillement, c’est le mot qui définit le mieux Antoine. Pas de soucis, pas de tracas. «
Carpe diem », c’était lui.
Il s’est mis à côté du piano et nous a demandé s’il pouvait en jouer aussi. On lui a fait une petite place sur la banquette, et c’était à la fois la pire et la meilleure idée qu’on ait eue.
au début c'est chaud, puis froid, et ça finit toujours par faire malC’est simplement comme ça que le phénomène Antoine s’immisça dans nos vies. Au début il venait simplement boire un verre avec nous, puis il a petit à petit commencé à passer les journées avec nous, et au final c’était comme si on se connaissait depuis l’enfance. Ça s’est fait très rapidement, en l’espace de quelques mois pas plus, très naturellement, parce que je m’en suis rendu compte plus tard, il n’était pas possible de ne pas l’apprécier.
Cependant, plus Antoine était proche de nous, et plus Elise redevenait amie et non plus épouse. Je me suis inquiété. Est-ce que c’était à cause de lui ? Est-ce qu’il me volait ma femme, ma meilleure amie ? Est-ce qu’il était en train de nous séparer ? Est-ce qu’on avait bien fait de lui faire confiance ?
Pourtant je ne pouvais pas me résoudre à le détester. C’était comme essayer de haïr un tout tout petit enfant ; c’est quasi impossible.
Pourtant il m’éloignait d’Elise. Pourquoi est-ce que je ne réagissais pas ? Pourquoi est-ce que je ne leur posais pas la question ?
Pourquoi est-ce que ça ne me dérangeait pas plus que ça, au final ?
J’ai eu ma réponse un soir d’automne, un peu plus d’un an après la fameuse apparition d’Antoine. On était à la maison, parce qu'on avait pas la tête à aller au bar, ce jour-là. Une fois n’est pas coutume, c’était Elise qui était au piano, parce qu’elle prenait des cours depuis quelques mois et voulait nous faire part de ses nouveaux talents.
[...]
Ma propre femme avait comploté contre moi, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Elle avait deviné quelque chose avant même que l'idée n'émerge dans mon esprit.
Bon, en vrai Antoine m'avoua plus tard que c'était lui qui lui en avait parlé. Et elle avait été d'accord pour essayer de me caser avec lui.
Alors que j'étais marié.
Avec elle.
Étrange, étrange Elise.
Qu'est-ce que j'aurais fait, si elle avait été à ma place ? Est-ce que j'aurais plus ou moins brisé mon mariage pour elle ? Je ne sais pas. Je n'en suis pas sûr.
Je l'aime toujours énormément, mais maintenant... il y a aussi Antoine. On se détache du couple pour redevenir meilleurs amis. Le couple d'amis mariés. C'est étrange.
Mais maintenant j'ai Antoine.
Je n'aurais jamais imaginé aimer un homme, et pourtant maintenant ça me semblerait bizarre de ne pas le faire. Le cerveau est capable de drôles de choses, décidément.
Antoine aime danser. Beaucoup. Dès qu'il y a un peu de musique, il attrape la première main qui passe et il met le feu aux planches.
Il ne danse qu'avec les femmes, pour la simple et bonne raison qu'on ne danse pas avec un autre homme. Pas en public. Et surtout pas quand l'autre homme était sensé être marié.
Mais chez lui il n'a plus aucune retenue. On danse même quand il n'y a pas de musique, et c'est bizarre mais c'est bien. Personne pour nous dire que ce qu'on faisait, c'était immoral. Que c'était mal. Qu'on envoyait les gens en Enfer pour moins que ça.
Contrairement à ce que pouvait laisser penser son côté toujours tranquille et à l'aise en société, Antoine avait une peur folle du regard des gens. Si nous étions en public, il se comportait avec moi comme un simple ami, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Il avait peur de ce que les gens pouvaient penser s'ils nous voyaient ensemble autrement qu'en tant que simples amis. Mais tout allait bien tant qu'on pouvait toujours se voir.
Antoine est mort trois ans plus tard, un soir d'automne.
Moi aussi je suis mort ce soir là. En quelque sorte.
Il devait venir à la maison pour souper. Il lui arrivait de ne pas être très ponctuel, alors on l'a attendu. Une heure. Deux heures.
Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ? Alors on s'est mis à le chercher. On ne le voyait nulle part. Ses voisins ne l'avaient pas vu sortir. Alors on est entrés chez lui de force.
Il était là, au pied de l'escalier, et il était mort.
Est-ce que c'est possible de mourir de manière aussi nulle à son âge ? Est-ce que c'est possible de mourir, comme ça, sans prévenir, sans que personne ne s'en aperçoive ?
Est-ce que c'était vraiment possible de mourir seul, comme ça, bêtement, sans qu'on s'y attende ?
Il y avait son corps au pied de l'escalier, et c'est tout ce dont je me souviens.
7 avril.
Il pleut.
Mon existence entière est un soir pluvieux d'avril.
Je déteste danser depuis l'accident. Je déteste ma vie depuis l'accident. Même Elise n'arrive plus à me faire sourire comme avant.
Je donnerais n'importe quoi pour revenir en arrière.
C'est en me penchant pour ramasser quelque chose au sol que j'ai vu le papier.
Tout allait être comme avant.
J'allais pouvoir revoir Antoine.
(coucou désolée c’est assez nul surtout la période avant Antoine parce que sa vie est tellement tranquille qu’il n’y a rien à dire dessus je ??) (pardon) (peut-être que je la modifierai un jour)